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LE MALENCONTREUX.

connois Lucy : il sera fort difficile de la dissuader : quoiqu’elle vous aime très-tendrement, elle n’a point d’amour pour vous ; néanmoins, cette aventure détruit l’opinion qu’elle avoit de vos sentimens pour elle, et les femmes ne pardonnent pas que l’on gâte ou que l’on dérange les romans qu’elles composent, de quelque genre qu’ils soient.

M. Merton me conseilla d’aller chercher Lucy, et de m’expliquer sur-le-champ avec elle ; j’obéis, mais avec un certain découragement intérieur qui ne me présageoit rien de bon : j’étois, de mon côté, un peu refroidi par cette promptitude à m’accuser, et par cette vive jalousie sans amour. J’entrai, je crois, dans le cabinet de madame de Florzel avec un air bien gauche ; j’étois à-la-fois piqué, mécontent et décontenancé, ce qui ne doit pas donner beaucoup de grace. Lucy se promenoit à grands pas dans la chambre : en m’apercevant, elle s’arrêta, et fit une mine dédaigneuse qui acheva de me glacer. Je viens, madame, lui dis-je, vous expliquer… Oh ! tout est