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LE MALENCONTREUX.

rable ; enfin, je m’embarquai le 22 août. J’avois emmené mon petit Joseph qui, à cette époque, entroit dans sa troisième année.

J’arrivai le 3 septembre, à Dulwick, à deux milles de Londres. C’est-là que M. Merton m’attendoit dans une jolie maison de campagne. Il étoit huit heures du soir, lorsqu’après avoir remis mon petit Joseph entre les mains de mon laquais de louage, j’entrai dans le parloir, où je trouvai M. Merton et sa fille. Ce moment fut le plus doux, le plus beau de ma vie. Je revoyois un bienfaiteur, un père, et la seule femme que j’eusse aimée ; en pressant dans mes mains la main que Lucy me tendoit en pleurant, je crus recevoir sa foi, je crus que l’amitié m’alloit rendre tout ce que l’amour m’avoit ravi. Nous ne dîmes rien qui pût blesser l’extrême délicatesse de madame de Florzel encore en deuil ; mais elle me montroit la tendresse la plus touchante, et le bon M. Merton, au comble de ses vœux, me lançoit, à la dérobée, des coups d’œil significatifs : il ne pouvoit contenir sa joie,