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LE MALENCONTREUX.

est-elle finie, ils en repoussent le souvenir : ce qu’ils craignent le plus au monde, c’est de penser. Ils sentent que la réflexion produiroit sur eux l’effet de la baguette magique qui détruit des palais enchantés, et qui fait évanouir des prestiges agréables.

Ces nouvelles d’Angleterre me causèrent une sorte d’agitation que je n’avois point encore éprouvée. Lucy veuve, Lucy libre, s’offroit continuellement à mon imagination, j’étois inquiet, plus distrait que jamais ; j’attendois des lettres, j’en desirois vivement, et quand je n’en recevois point, j’étois attristé. Le reste de l’hiver et le printemps s’écoulèrent dans cette situation ; enfin, au mois de juillet M. Merton m’écrivit, pour me rappeler en Angleterre ; et sa lettre me faisoit entendre clairement, que je pouvois prétendre au bonheur qui jadis m’avoit été promis. J’eus bientôt fait les préparatifs de mon départ ; je prêtai ma chaumière à un de mes amis ; car j’étois décidé à ne jamais la vendre, et je me rendis à Cuxhaven ; j’attendis long-temps un vent favo-