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LE MALENCONTREUX.

monde cet enfant deux ou trois mois après mon départ pour Paris. En partant pour Brunswick, elle l’avoit laissé à la nourrice, avec ce billet pour moi, en lui ordonnant de m’apporter l’enfant, aussitôt que sa nourriture seroit finie ; les mois de nourrice étoient payés. Je me rappelai qu’un comédien de la troupe de Brunswick, ayant passé quelque temps à Schleswig, madame D*** l’avoit vu plusieurs fois dans les châteaux voisins, et que même elle me l’avoit amené à Pageroë ; ainsi je devinai facilement que ce comédien avoit engagé madame D*** dans sa troupe, et qu’il étoit le père de l’enfant. J’admirai l’étonnante effronterie de cette femme ; mais, comme elle l’avoit fort bien prévu, il me fut impossible de refuser ce pauvre petit enfant qui me sourioit, et qui étoit extrêmement joli. J’assurai la nourrice que je ne le gardois que par compassion ; que madame D*** n’étoit point ma femme, et n’avoit jamais été ma maîtresse. La nourrice, me voyant accepter l’enfant, se confirma parfaitement dans l’idée qu’il