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LE MALENCONTREUX.

chez un fermier de mes voisins qui avoit une grande et belle maison. Ce bon fermier se leva, fit lever ses gens, et nous reçut à merveille. Madame de Florzel eut une chambre bien propre ; on nous apporta du thé, du pain bis, de la crême délicieuse ; et comme je savois fort bien parler allemand, je me mis à questionner le fermier, qui n’apprit que madame D***, dix jours après mon départ, avoit loué ma maison, pour huit mois, à une famille russe, et voici comment. Un seigneur russe, voyageant pour sa santé, avec sa femme et ses enfans, s’étoit arrêté à Schleswig pour y consulter M. Licht, célèbre médecin. M. Licht lui conseilla le repos, et de prendre l’air de la campagne. Ce seigneur vint à Pageroë, s’enthousiasma pour ce lieu pittoresque et pour ma maison : madame D*** profitant de cette disposition, se disant ma femme, et assurant que non-seulement je ne reviendrois plus, mais que la maison lui appartenoit en propre, la loua pour huit mois, moyennant cinquante frédérics d’or qu’elle exigea, et reçut,