Page:Genlis - Nouveaux contes moraux et nouvelles historiques, tome 2, 1804.djvu/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
5
LE MALENCONTREUX.

villages ; je croyois voir ma colonie naissante prospérer autour de moi, travailler avec ardeur, m’enrichir en me bénissant. Ces promenades et ces rêveries avoient tant de charmes pour moi, que souvent je m’égarai dans ces lieux inhabités, et plus d’une fois surpris par la nuit, je me vis contraint d’y attendre le jour. Enfin, je me décidai à faire quelques petits essais particuliers, avant de présenter au gouvernement mon projet de défrichement. Un matin, muni d’un sac rempli de pommes de terre, je me rendis dans un endroit des landes, où j’avois déposé une bêche et une pioche ; mais à peine avois-je commencé mon travail, que je fus tout-à-coup assailli par cinq ou six hommes qui me prirent au collet, et m’entraînèrent, en m’appelant scélérat et contre-révolutionnaire. J’eus beau protester de mon innocence, ils ne m’écoutèrent pas, et me conduisirent devant un tribunal où je fus interrogé fort durement, et traité comme un vil accapareur ; car on m’accusa d’avoir enfoui de l’or monnoyé, et une prodigieuse