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LE MALENCONTREUX.

moins humide et des distractions à ses chagrins. M. Merton me conta que Florzel avoit eu pour sa femme les plus mauvais procédés ; Florzel, après avoir été pendant près de deux ans homme à bonne fortune et joueur, avoit fini par déranger également ses affaires et sa santé ; il s’étoit séparé volontairement de sa femme pour vivre, sans contrainte, avec une courtisane retirée du théâtre. Je revis avec un vif attendrissement cette aimable Lucy ; elle avoit perdu ses brillantes couleurs, mais sa pâleur et sa mélancolie ne la rendoient que plus intéressante à mes yeux. Elle me montra la plus tendre amitié ; elle ne me cacha pas qu’elle n’auroit point épousé Florzel, si j’avois su profiter de la reconnoissance que ma conduite lui avoit inspirée ; enfin, me dit-elle, je suis cruellement punie d’avoir repoussé les conseils de la raison pour écouter ceux de l’amour ; le malheur m’a guérie de l’amour, le devoir m’en eût affranchi de même ; il me resteroit un ami, mon père seroit heureux !… j’aurois la santé, la tranquillité que j’ai perdues !…