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LE MALENCONTREUX.

me justifier, et je me résignai à la mort ; car je ne doutois point que ces furieux ne fussent décidés à me la donner. Heureusement, dans ce moment de crise, le maire du village accourut à mon secours ; c’étoit ce vieux Bertrand auquel j’avois voulu faire une visite ; il harangua le peuple avec chaleur et fermeté : son seul moyen pour me défendre fut de soutenir que je n’étois pas l’auteur de cet infâme mémoire ; il prétendit qu’un ennemi l’avoit fait imprimer sous mon nom pour me perdre ; il allégua pour preuve de mon innocence ma conduite privée, et la confiance avec laquelle je revenois parmi eux. Ce discours fit beaucoup d’effet ; on se calma, on me demanda le désaveu du crime ; je donnai ma parole (et je ne mentois pas) que je n’avois fait aucun ouvrage qui dût les offenser. Eh bien ! qu’il s’en aille, s’écria-t-on, mais qu’il ne revienne plus. Charmé de cet arrêt, je me hâtai de l’exécuter ; je repris les rênes de mon cheval, j’enfonçai de toute ma force mes deux éperons dans ses flancs, et je partis au grand galop.