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LE MALENCONTREUX.

est doux d’être aimé ! Ce n’est que dans cette classe obscure que l’on peut espérer de trouver une véritable reconnoissance ! En faisant cette réflexion, je remontai à cheval, et je fus bientôt à l’entrée du village ; mon cœur palpita de plaisir en voyant les rues se remplir de monde, tous les paysans sortir tumultuairement de leurs maisons, et se précipiter à ma rencontre… Mais que devins-je, lorsqu’en approchant de cette multitude je n’entendis que des injures atroces, accompagnées des gestes les plus menaçans !… Malgré mon étonnement et ma terreur, j’eus pourtant la force de demander quel étoit mon crime. Comment, coquin ! s’écrièrent en même temps une douzaine de voix, comment, scélérat ! tu voudrois nous traiter comme les plus vils animaux ! Comment, misérable aristocrate ! nous ne sommes pour toi que des pourceaux ! tu as proposé de ne nous donner pour nourriture que du gland… À ce reproche, à cette étrange interprétation de mon mémoire, et d’une idée si bienfaisante, du moins par l’intention, je perdis tout espoir de