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LE MALENCONTREUX.

que mon oncle ne nous en eût jamais parlé dans ses lettres, et je me promis de faire un mémoire bien détaillé sur le défrichement de ces vastes déserts. En attendant, je retournai dans ma province ; une infortune très-imprévue m’y attendoit. On venoit de confisquer toutes mes terres, parce qu’on avoit pris mon voyage pour une émigration ; on me soutint à moi-même que j’étois émigré, on me menaça de l’échafaud, et je fus obligé de prendre la fuite. Dans cette situation, mon projet des landes de Bordeaux me revint à l’esprit, et, sans hésiter, je repris la route de la Gascogne. Arrivé dans ce beau pays, mon premier soin fut d’aller visiter les landes ; je m’enfonçai dans ces terres abandonnées ; j’en contemplois avec plaisir l’immense étendue, en songeant qu’il m’étoit peut-être réservé de vivifier ce triste désert. Au lieu des bruyères et des broussailles qui m’environnoient de toutes parts, je me représentois des champs fertiles, des cultures variées : mon imagination plaçoit de distance en distance des hameaux et des