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LE MALENCONTREUX.

pour qu’il me fut possible de songer à m’en séparer, si elle ne le desiroit pas : j’imaginai facilement que l’histoire du riche négociant de Lubeck n’étoit qu’un conte inventé pour me piquer, et pour m’engager à découvrir les sentimens qu’elle m’avoit supposés.

Le lendemain fut un jour orageux. Madame D*** prit le parti de jouer la passion malheureuse, et, voulant rester chez moi, elle ne pouvoit rien imaginer de mieux. Elle m’écrivit une véritable élégie. Ce qui m’en frappa le plus, fut le passage où elle me disoit qu’elle ne pouvoit s’arracher des lieux que j’habitais, et que, malgré mon indifférence, elle ne renoncerait point au bonheur de me consacrer sa vie.

Cette assurance me glaça : cependant je lui répondis avec tous les ménagemens possibles ; et forcé par le pathétique de sa lettre de prendre un ton sérieux, je la conjurois de borner là toutes nos explications, et je finissois par des assurances de respect, d’attachement et d’amitié ; mais madame D*** qui conserva