Page:Genlis - Nouveaux contes moraux et nouvelles historiques, tome 2, 1804.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
102
LE MALENCONTREUX.

jamais autre chose qu’un mauvais roman : je la priois souvent de prendre sa guittare ; et me croyant enchanté de son talent, elle avoit la complaisance d’en jouer régulièrement, chaque jour, une ou deux heures. Un soir que je lui présentois sa guittare, elle me dit qu’elle étoit beaucoup trop préoccupée pour pouvoir faire de la musique. Loin d’avoir remarqué cette préoccupation, j’avois au contraire, été frappé toute la journée du redoublement de sa gaîté et de ses minauderies ; elle m’avoit fait mille petites niches ; je ne l’avois jamais vue si agacante et si folâtre. Suivant ma coutume, je me gardai bien de la questionner ; mais elle m’annonça qu’elle alloit me confier un grand secret. Je soupirai, car je pressentis qu’elle alloit me conter une histoire ; en effet, elle m’instruisit de tous les détails de sa liaison avec le riche négociant de Lubeck, qu’elle ne voulut pas me nommer, par des raisons particulières de délicatesse qu’elle ne m’expliqua point. Le riche négociant l’adoroit ; il étoit li-