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LE MALENCONTREUX.

terres pour les défricher. Je n’avois pas les connoissances et les talens de mon père ; cependant, le ciel bénit mes travaux, et je commençois à en recueillir les fruits, lorsque la mort d’un oncle que j’avois à Bordeaux me força de me rendre dans cette ville, afin d’y recueillir sa succession. Mais en arrivant, j’appris que la nation s’étoit emparée des biens de mon oncle, sous prétexte d’une conjuration qu’il avoit, dit-on, formée peu de temps avant sa mort, et dont on avoit trouvé les preuves dans ses papiers. J’objectai vainement que mon oncle n’étoit mort qu’à la suite d’une paralysie qui lui avoit ôté toutes ses facultés intellectuelles pendant les trois dernières années de sa vie ; on me répéta qu’il étoit certain que mon oncle avoit eu des intelligences criminelles avec MM. Pitt et Cobourg, et ce fut ainsi que je perdis ce riche héritage. Malgré ce malheur, je ne trouvai pas cette course infructueuse, parce que ce voyage (le premier que j’eusse fait de ma vie) me fit connoître les landes de Bordeaux ; je m’étonnai beaucoup