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LE MALENCONTREUX.

passée ; car durant les longues soirées d’hiver, elle ne m’entretenoit que de ses aventures romanesques, de ses nombreuses conquêtes et des passions malheureuses qu’elle avoit inspirées. En même temps elle me témoignoit tant d’amitié, qu’il étoit impossible que je n’en eusse pas pour elle : sa conversation me fatiguoit, ses soins et ses attentions m’importunoient souvent ; mais je lui cachois ces mouvemens intérieurs, et je ne lui laissois voir que l’attachement sincère qu’elle m’inspiroit. Plus d’une fois, elle m’avoit fait entendre qu’un riche négociant de Lubeck étoit éperdument amoureux d’elle : je ne lui fis nulle question à ce sujet, redoutant mortellement ses longues narrations dans ce genre ; je supposai seulement que cet amant passionné étoit marié, puisque madame D*** n’avoit pas songé à l’épouser.

Madame D*** jouoit un peu de la guittare, et chantoit des romances. Sa voix n’étoit ni flexible, ni douce ; cependant j’aimois mieux l’entendre chanter, que d’écouter un entretien qui n’étoit