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LE MALENCONTREUX.

jou, contenoit tous les ouvrages d’agriculture et d’économie rurale qui méritent d’être lus : une vingtaine de poules garnissoient ma basse-cour ; une chèvre et deux superbes vaches ornoient et vivifioient mon pré ; de la fenêtre de mon cabinet d’étude, j’embrassois d’un coup-d’œil, toutes mes possessions ; je voyois à-la-fois mon pré, mes bestiaux, mon verger, mon bois de sapins, mon parterre, et je me disois : Sans le secours de l’imagination et de la mémoire, je jouis de tout ce que je possède ; je vois d’un seul regard tout mon bonheur ; ma richesse n’a rien d’idéal, rien n’est perdu pour moi ; aucune distance inaccessible à mes sens ne m’en dérobe ou ne m’en voile une partie ; ma fortune suffisant à mes besoins et à mes desirs, est parfaitement assortie à mes facultés morales et physiques, elle n’a de bornes que celles de ma vue : que m’importe qu’il y ait, bien au-delà de mon enclos, des paysages que je ne puis apercevoir, des arbustes et des fleurs dont les parfums ne sauroient venir jusqu’à moi, et des