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LE MALENCONTREUX.

tous mes vœux. En effet, je ne passai que peu de jours à Hambourg ; mais je n’en partis pas seul. Le hasard m’avoit fait connoître une Françoise émigrée, nommée madame D***, veuve d’un fermier-général, et la situation déplorable de cette dame m’avoit inspiré pour elle le plus tendre intérêt. Ayant épuisé toutes ses ressources, et ne pouvant trouver de place, elle étoit tombée dans la plus affreuse indigence. Je l’estimois, je la plaignois du fond de l’ame ; je lui offris un asyle : elle accepta cette proposition avec la plus vive reconnoissance, et je l’emmenai à Pageroë. Nous partîmes le 27 de septembre. Madame D***, à cette époque, étoit âgée de quarante-six ans. Elle avoit eu de la beauté ; on le voyoit encore ; il lui restoit des yeux très-brillans et de belles dents ; elle étoit Provençale, et quinze ans passés à Paris ne lui avoient rien fait perdre de l’accent de son pays. Comme je ne l’avois vue que dans le malheur, je m’étois fait l’idée la plus fausse de son caractère ; je la croyois sérieuse, douce, solide, sans pré-