Page:Genlis - Nouveaux contes moraux et nouvelles historiques, tome 2, 1804.djvu/10

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
2
LE MALENCONTREUX.

très-communs ; j’ai perdu tous mes biens, je suis errant et proscrit, voilà tout ; mais je suis vrai, je conte naïvement, je parle de moi sans emphase et sans vanité ; je ne hais personne, je n’ai ni fiel, ni ressentiment ; j’ai pensé qu’avec ce caractère, j’écrirois d’une manière tout-à-fait neuve : ce qui m’engage à publier mes Mémoires, espérant que l’originalité des sentimens pourra compenser l’insipidité des aventures.

Je naquis en Bretagne, le 25 janvier 1765. Mon père, le baron de Kerkalis, n’avoit qu’un goût, celui de l’agriculture, et qu’une occupation, celle de défricher des terrains incultes. La providence l’avoit sagement placé dans un pays rempli de landes ; il acheta des champs immenses de bruyères, les cultiva avec succès, s’enrichit honorablement, et me laissa une fortune considérable. Il mourut quelques mois après la révolution. Je n’étois pas ambitieux ; mais, par respect pour la mémoire de mon père, je me crus obligé d’imiter l’exemple qu’il m’avoit donné, et j’achetai aussi des