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opéra de Gluck[1]. Pour revenir à Rousseau, il était très-sauvage ; il refusait toutes les visites, et n’en faisait point ; d’ailleurs je ne me sentais pas le courage de faire la moindre démarche à cet égard : ainsi je témoignais l’envie de le connaître, sans imaginer qu’il fût possible d’en trouver les moyens. Un jour M. de Sauvigny, qui voyait quelquefois Rousseau, me dit en confidence, que M. de Genlis voulait me jouer un tour ; qu’un soir il m’amènerait Préville déguisé en J.-J. Rousseau, et qu’il me le présenterait pour tel. Cette idée me fit beaucoup rire, et je promis bien de faire semblant d’être entièrement la dupe de cette plaisanterie, qu’on appelait dans ce temps une mystification, genre de gaîté fort à la mode alors. J’allais très-peu aux spectacles, je n’avais jamais vu jouer Préville que deux ou trois fois, et dans des loges très-éloignées du théâtre. Préville, en effet, possédait l’art de décomposer sa figure et de contrefaire. Il était à peu près de

  1. Le célèbre Rameau avait déjà donné l’exemple de cet accord si désirable, surtout, dans Pygmalion, l’air : Fatal amour, cruel vainqueur, etc., etc. La déclamation la plus parfaite ne pourrait exprimer mieux toutes les paroles de cette ariette ; ainsi que celles, dans Castor et Pollux, de cet air admirable : Tristes apprêts, pâles flambeaux.
    (Note de l’auteur.)