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Snelgrave présenta au roi quelques bagatelles d’Europe ; et, comme il achevait sa harangue, il entendit des gémissements qui le firent tressaillir. En se retournant, il aperçut un petit nègre attaché par la jambe à un pieu enfoncé dans la terre. Sur le bord d’un fossé, deux nègres d’un aspect hideux, armés de haches et vêtus d’une manière extraordinaire, paraissaient garder cet enfant, qui les considérait en joignant ses petites mains d’un air suppliant. Le roi, témoin de l’émotion que ce spectacle étrange causait à Snelgrave, le rassura en lui disant qu’il n’avait rien à craindre de ces deux nègres, et lui apprit que l’enfant était une victime qu’on allait sacrifier au dieu Égho pour la prospérité du royaume.

Snelgrave frémit d’horreur. Il n’avait avec lui que dix honunes. La cour et la garde du prince africain formaient une troupe composée de plus de cent nègres ; mais la compassion et l’humanité ne permirent pas à Snelgrave d’envisager tout ce qu’il avait à craindre du nombre et de la férocité des barbares qui l’environnaient. — Mes amis ! s’écria-t-il en se retournant vert ses gens, sauvons ce malheureux enfant ! venez, suivez-moi !…

En disant ces paroles, il s’élance vers le petit nègre. Les Anglais, animés du même sentiment, se précipitent sur ses pas. Les nègres poussent des cris affreux, et fondent en tumulte sur la troupe anglaise. Snelgrave tire de sa poche un pistolet ; le roi s’effraye, et demande à parlementer. Snelgrave y consent.

Le roi d’un seul mot calme la fureur des nègres, qui s’arrêtent et restent immobiles. Alors Snelgrave, par le moyen de son interprète, explique les motifs de son action, et finit en suppliant le roi de lui vendre la victime. Cette proposition fut acceptée. Snelgrave était bien décidé à ne pas disputer sur le prix. Mais, heureusement pour lui, le roi nègre n’avait besoin ni d’or ni d’argent ; il crut exiger beaucoup en demandant un collier de verre bleu, qui lui fut donné sur-le-champ. Alors Snelgrave s’empressa de délivrer l’innocente petite créature qu’il venait d’arracher à la mort ; il tira son sabre pour couper la corde qui lui liait les jambes. L’enfant effrayé