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traint sa frayeur pour ne pas trahir son secret, et l’on frémit avec elle ; car le spectateur qui connoît sa situation, croit lire dans son âme ; il y découvre une inquiétude déchirante que nul langage ne pourroit exprimer.

Quand, dans Bajazet, Roxane dit :

Écoutez, Bajazet, je sens que je vous aime,

elle fait infiniment plus d’effet que si elle employoit l’expression la plus passionnée. Si elle s’écrioit je t’adore, le spectateur resteroit froid ; mais on voit que, voulant intimider Bajazet, et redoutant de lui donner des armes contre elle, son dessein est de cacher sa passion, et que, même dans ce mouvement qui la décèle, elle en contraint l’expression : alors ce mot si