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on nous a bien accoutumés à toutes ces choses depuis ; mais, malgré les verbiages inintelligibles qui se trouvent dans les œuvres de Diderot, on n’avoit pas encore pris l’habitude de cette manière extravagante d’écrire. J’allois quelquefois aux séances académiques, et je trouvois toujours dans les discours quelque chose de ridicule ; ce qui faisoit dire à M. de Schomberg que j’avois le caractère le plus doux et l’esprit le plus frondeur qu’il eût jamais connu.

Outre le sacrifice des spectacles, j’avois fait encore, à l’étude et aux talens, celui des bals dansans ; quoique j’aimasse assez la danse, j’y renonçai à vingt-cinq ans, et sans retour. Il étoit impossible d’aller aux bals de Paris, sans aller, au moins tous les quinze jours, à ceux de la cour. Il falloit coucher deux nuits à Versailles, c’étoit une grande perte de temps, et j’en gagnai beaucoup par ce sacrifice. Peu d’années après, je ne concevois plus que c’en eût été un, et je possède encore ce qu’il m’a valu. Toutes les sages privations que l’on s’impose dans la jeunesse, c’est-à-dire, durant le court espace d’un bien petit nombre d’années, préparent des ressources certaines