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jours. Elle vint plusieurs fois à nos petits spectacles ; elle s’y rappeloit avec délices le temps où elle m’avoit vu jouer Iphigénie et Zaïre, à l’âge de mes filles, et même plus jeune encore.

Au milieu de beaucoup d’inquiétudes de tous genres, j’en avois une qui me tourmentoit cruellement, c’étoit sur le sort de mon frère, car ma tante, qui ne le connoissoit que pour l’avoir aperçu quelquefois au jour de l’an, ne faisoit rien du tout pour lui. Il étoit plus jeune que moi de quinze mois ; sa figure étoit alors jolie, et ses manières douces, modestes et naturelles. Mon frère est né avec beaucoup de génie pour la géométrie, qu’il a appliquée, avec de grands succès, à la mécanique : il a d’ailleurs infiniment d’esprit. Il avoit pour la poésie un talent naturel très-agréable, et beaucoup de goût pour les arts, surtout pour la musique ; il savoit parfaitement la composition, et il a fait de charmantes romances ; son caractère est d’une extrême douceur qui, par la suite, a quelquefois dégénéré en foiblesse ; mais il est impossible d’avoir plus de bonté, de meilleurs sentimens et une plus belle âme.