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de ton et de manières, que je n’ai jamais vus dans le grand monde qu’à ces deux personnes ; la pureté de leurs mœurs donnoit un prix inestimable à cette singularité. Le chevalier de Chastellux, qui étoit dans ce temps l’un de mes plus chers amis, avoit de la grandeur et de la générosité dans l’âme, et de la foiblesse dans le caractère ; son esprit étoit fort au-dessus du médiocre, mais n’alloit pas jusqu’à la supériorité. Sa société étoit agréable et sûre ; avec beaucoup d’instruction il n’avoit nulle pédanterie ; sa conversation eût été particulièrement aimable, s’il n’avoit pas eu la manie de la remplir de calembours. Il a fait de jolies comédies de société ; son livre de la Félicité publique n’est pas un bon ouvrage ; mais il doit faire estimer l’homme de la cour et du monde qui a été en état de le faire ; il est, je crois, le premier auteur qui ait montré une grande indignation contre ces mœurs antiques lacédémoniennes si vantées, au fond si barbares, ce que le chevalier de Chastellux a eu le mérite de sentir vivement, et de bien exprimer dans son livre de la Félicité publique.[1] Le

  1. Le chevalier de Chastellux avoit quelquefois d’assez