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toutes ces flatteries ; on n’entre point en conversation avec eux, leur présence impose silence, et, grâce au respect, la flatterie, à la cour, est obligée d’avoir de la pudeur et de ne se montrer que sous des formes délicates. Je ne l’ai jamais vue sans ménagement qu’à Ferney elle y étoit véritablement grotesque ; et lorsque, par l’habitude, elle peut plaire sous de semblables traits, elle doit nécessairement gâter le goût, le ton et les manières de celui qu’elle séduit. Voilà pourquoi l’amour-propre de M. de Voltaire étoit singulièrement irritable, et pourquoi les critiques lui causoient ce chagrin puéril qu’il ne pouvoit dissimuler. Il venoit d’en éprouver un très-sensible. L’empereur avoit passé tout près de Ferney : M. de Voltaire, qui s’attendoit à recevoir la visite de l’illustre voyageur, avoit préparé des fêtes et même fait des vers et des couplets, et malheureusement tout le monde le savoit. L’empereur passa sans s’arrêter et sans faire dire un seul mot. Comme il approchoit de Ferney, quelqu’un lui demanda s’il verroit M. de Voltaire. L’empereur répondit sèchement : « Non ; je le connois assez. » Mot piquant et même profond, qui prouve que ce