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mante expression. Il étoit fort cassé, et sa manière gothique de se mettre le vieillissoit encore ; il avoit une voix sépulcrale qui lui donnoit un ton singulier, d’autant plus qu’il avoit l’habitude de parler excessivement haut, quoiqu’il ne fût pas sourd. Quand il n’étoit question ni de la religion, ni de ses ennemis, sa conversation étoit simple, naturelle, sans nulle prétention, et par conséquent, avec un esprit tel que le sien, parfaitement aimable. Il me parut qu’il ne supportoit pas que l’on eût, sur aucun point, une opinion différente de la sienne ; pour peu qu’on le contredit, son ton prenoit de l’aigreur et devenoit tranchant. Il avoit certainement beaucoup perdu de l’usage du monde qu’il avoit dû avoir, et rien n’est plus simple : depuis qu’il étoit dans cette terre, on n’alloit le voir que pour l’enivrer de louanges ; ses décisions étoient des oracles ; tout ce qui l’entouroit étoit à ses pieds ; il n’entendoit parler que de l’admiration qu’il inspiroit, et les exagérations les plus ridicules dans ce genre ne lui paroissoient plus que des hommages ordinaires. Les rois mêmes n’ont jamais été les objets d’une adulation si outrée : du moins l’étiquette défend de leur prodiguer