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pas le plus agréable qu’on puisse se retracer de ce beau siècle. Elle finissoit une pièce de Rameau, lorsqu’une jolie petite fille de sept ou huit ans entra dans la chambre, et vint se jeter au cou de M. de Voltaire en l’appelant papa. Il reçut ses caresses avec grâce ; et, comme il vit que je contemplois ce tableau si doux avec un extrême plaisir, il me dit que cette enfant appartenoit à la petit-fille du grand Corneille, qu’il a mariée. Combien j’eusse été touchée dans ce moment si je ne m’étois pas rappelé ses Commentaires, où l’injustice et l’envie se trahissent si maladroitement ! Dans ce lieu on étoit à chaque instant blessé par des contrastes bizarres, et sans cesse l’admiration y étoit suspendue et même détruite par des souvenirs odieux et même par des disparates révoltantes.

M. de Voltaire reçut plusieurs visites de Genève, ensuite il me proposa une promenade en voiture. Il fit mettre ses chevaux, et nous montâmes dans une berline, lui, sa nièce, madame de Saint-Julien et moi. Il nous mena dans le village pour y voir les maisons qu’il a bâties et les établissemens bienfaisans qu’il a formés. Il est plus grand là que dans ses