Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T2.djvu/348

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aise, et causoit très-agréablement. Je lui demandai, en riant, si M. de Voltaire n’avoit pas trouvé mauvais que j’eusse daté ma lettre du mois d’août. Elle me répondit que non ; mais elle ajouta qu’il avoit remarqué que je n’écrivois pas avec son orthographe. Enfin on vint nous dire que M. de Voltaire entroit dans le salon. J’étois si harassée et en si mauvaise disposition, que j’aurois donné tout au monde pour pouvoir me trouver transportée dans mon auberge à Genève.

Madame de Saint-Julien, me jugeant d’après ses impressions, m’entraîne avec vivacité. Nous regagnons la maison, et j’eus le chagrin, en passant dans une des pièces du château, de me voir dans une glace. J’étois décoiffée et tout ébouriffée, et j’avois une mine véritablement piteuse et tout-à-fait décomposée. Je m’arrêtai un instant pour me rajuster, ensuite je suivis courageusement madame de Saint-Julien. Nous entrons dans le salon, et me voilà en présence de M. de Voltaire. Madame de Saint-Julien m’invita à l’embrasser, en me disant avec grâce : « Il le trouvera très-bon. » Je m’avançai gravement, avec l’expression du respect que l’on doit aux grands