Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T2.djvu/345

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voyoit mal, mais c’étoit en effet un tableau original du Corrége, et M. Ott fut un peu scandalisé qu’on l’eût relégué là. Nous passons dans le salon ; il étoit vide. Je vis dans le château cette espèce de rumeur désagréable que produit une visite inopinée qui survient mal à propos. Les domestiques avoient un air effaré ; on entendoit le bruit redoublé des sonnettes qui les appeloient, on alloit et venoit précipitamment, on ouvroit et fermoit brusquement les portes. Je regardai à la pendule du salon, et je reconnus avec douleur que j’étois arrivée trois quarts d’heure trop tôt, ce qui ne contribua pas à me donner de l’aisance et de la confiance. M. Ott vit, à l’autre extrémité du salon, un grand tableau à l’huile, dont les figures sont en demi-nature. Un cadre superbe, et l’honneur d’être placé dans le salon, annonçoient quelque chose de beau. Nous y accourons, et, à notre grande surprise, nous découvrons une véritable enseigne à bière, une peinture ridicule représentant M. de Voltaire dans une gloire, tout entouré de rayons comme un saint, ayant à ses genoux les Calas, et foulant aux pieds ses ennemis, Fréron, Pompignan, etc., qui expri-