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ni esprit, ni prétentions, ni fadeurs, et je le datai du mois d’août. M. de Voltaire vouloit qu’on écrivit du mois d’auguste. Cette petite pédanterie me parut une flatterie, et j’écrivis fièrement du mois d’août. Le philosophe de Ferney me fit une réponse très-gracieuse ; il m’annonça qu’en ma faveur il quitteroit ses pantoufles et sa robe de chambre, et il m’invita à dîner et à souper.

Quand j’eus reçu la réponse aimable de M. de Voltaire, il me prit tout à coup une espèce de frayeur qui me fit faire des réflexions inquiétantes. Je me rappelai tout ce qu’on racontoit des personnes qui alloient, pour la première fois, à Ferney. Il étoit d’usage, surtout pour les jeunes femmes, de s’émouvoir, de pâlir, de s’attendrir et même de se trouver mal en apercevant M. de Voltaire ; on se précipitoit dans ses bras, on balbutioit, on pleuroit, on étoit dans un trouble qui ressembloit à l’amour le plus passionné. C’étoit l’étiquette de la présentation à Ferney. M. de Voltaire y étoit tellement accoutumé, que le calme et la seule politesse la plus obligeante, ne pouvoient lui paroître que de l’impertinence ou de la stupidité. Cependant