Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T2.djvu/329

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

y avoit à Spa quelques musiciens voyageurs que je rassemblai pour ces petits concerts, où je jouois de la harpe. Ma santé étoit parfaitement rétablie au bout de six semaines. M. Gillier, chargé de toute ma dépense, me fut très-utile sous ce rapport, quoique la sévérité de son économie m’ait souvent déplu ; par exemple, lorsque je lui disois de donner un petit écu ou six francs pour boire, il donnoit communément six ou douze sous ; je ne savois ces choses-là qu’après ; et, lorsque j’en témoignois mon mécontentement, il m’assuroit qu’il seroit plus noble à l’avenir, ce qu’il n’a jamais été. Un jour, il eut une contestation avec Saint-Jean, mon domestique, sur un petit compte de ports de lettres, Saint-Jean se révolta jusqu’à l’impertinence ; alors M. Gillier lui dit gravement : « Je sais ce que je dois à la livrée de madame la comtesse ; puisque vous la portez, je ne vous donnerai point de coups de bâton, mais il faut pourtant que votre insolence soit punie. » À ces mots, il le prit dans ses bras, Saint-Jean eut beau se débattre, M. Gillier, dont la force étoit infiniment supérieure à la sienne, alla le déposer dans le ruisseau de notre rue, où il l’étendit