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M. Tronchin[1] m’ordonna les eaux de Spa ; M. de Genlis, forcé d’aller à son régiment, ne

  1. Les professions que les jeunes gens embrassent en obéissant à cette espèce d’instinct qu’on nomme vocation finissent par se changer en passion dominante et jalouse, qui exclut ou refroidit toute autre affection. Madame de Genlis en cite ce singulier exemple, dans ses Souvenirs de Félicie

    « Le docteur Tronchin a la plus belle tête de vieillard que j’aie jamais vue, sans excepter celle de Franklin, qui, à la vérité, est beaucoup plus âgé que lui. M. Tronchin ressemble, de la manière la plus frappante, à tous les bustes d’Homère. On dit qu’il eut dans sa jeunesse une beauté merveilleuse. Dans ce temps, il parut pour la première fois à l’école de Boerhave, qui dit tout haut en le regardant : « Voilà un jeune homme qui a des cheveux trop beaux et trop frisés pour devenir jamais un grand médecin. » Le lendemain, Tronchin reparut chez Boerhave, la tête rasée ; il devint son disciple favori : il l’avoit mérité. J’ai vu de lui un trait qui prouve sa passion pour son art, mais qui m’a fait frémir ; ce fut à la maladie de M. de Puisieux. M. Tronchin étoit son médecin, son ami intime, et lui avoit les plus grandes obligations. M. de Puisieux, au cinquième jour d’une fluxion de poitrine, étoit à l’agonie, il n’avoit plus de connoissance ; à trois heures du matin, M. Tronchin, qui ne l’avoit pas quitté depuis vingt-quatre heures, dit à madame de Puisieux, qu’il n’y avoit plus rien à faire et qu’il alloit se coucher. Nous entraînâmes madame de