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Je crus moi-même que ma poitrine étoit mortellement attaquée. Je fis une espèce de testament, dans lequel je laissois une marque de souvenir à toutes les personnes que j’aimois ; je fis aussi des vers sur la langueur où j’étois tombée ; je les montrai à M. de Sauvigny, qui les loua beaucoup ; je ne sais ce qu’ils sont devenus. Je ne regrettois de la vie que de ne pouvoir élever mes deux filles ; d’ailleurs j’étois déjà presque désabusée de toutes ses illusions ; l’ingratitude, l’injustice, et les calomnies dont j’étois sans cesse l’objet depuis mon entrée au Palais-Royal, avoient froissé mon cœur de mille manières ; la perte de mon fils et ma mauvaise santé aggravoient cruellement ces tristes dispositions, mais la religion me soutenoit. Hélas ! d’après la vision que j’avois eue, d’après une telle grâce de Dieu, j’aurois dû devenir une sainte !… Il ne suffisoit pas de croire et d’être touchée, il falloit consacrer à Dieu seul toute son imagination, toute sa sensibilité !… J’ai attribué tous les malheurs particuliers qui m’ont accablée depuis à la légèreté, à l’ingratitude, qui m’ont empêchée de reconnoitre cette faveur miraculeuse comme je l’aurois dû.