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âgé de cinq ans, en mourut : je vais ici conter un fait qui fera rire de pitié les esprits forts ; mais, comme j’en ai eu dix témoins auxquels des personnes qui existent encore l’ont entendu conter, je vais le rapporter avec la fidélité la plus scrupuleuse. J’ignorois entièrement, comme je l’ai dit, non-seulement que mes enfans eussent la rougeole, mais qu’ils fussent malades, chose qu’il étoit très-facile de me cacher, puisqu’ayant moi-même une maladie contagieuse, je ne pouvois songer à les demander. Ma mère, pour m’ôter tout soupçon, s’arrachoit d’auprès d’eux tous les jours pendant trois heures, qu’elle passoit auprès de mon lit ; j’étois gardée, d’ailleurs, par M. de Genlis, M. de Sauvigny et M. de Saint-Martin, chirurgien du Palais-Royal. M. de Genlis, tous les soirs à neuf heures, sous prétexte de reconduire ma mère, alloit au quai des Célestins passer quelques heures avec ses enfans. Mon fils mourut à cinq heures du matin ; le même jour, à la même heure, j’étois seule avec ma garde, je ne dormois pas ; et, levant les yeux vers le ciel de mon lit, dont une grande rosace dorée occupoit tout l’impérial, je vis distinctement mon fils