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ensuite je voulois voir les représentations, de sorte qu’une grande partie de ma vie s’écouloit à l’Opéra. Gluck venoit deux fois la semaine avec Monsigny, M. de Monville, et Jarnovitz, le célèbre violon[1], faire de la musique chez moi ; il me faisoit chanter tous ses beaux airs, et jouer sur la harpe ses ouvertures, entre autres celle d’Iphigénie, que j’aimois avec enthousiasme. On imagine bien

  1. Issu d’une famille italienne et né à Paris, le véritable nom de ce violon célèbre est Giornovichi. Après avoir joui en France, pendant plus de dix années, d’une très-grande vogue, il passa en Allemagne, fut pendant assez long-temps attaché à la chapelle du prince royal de Prusse, visita Vienne, Saint-Pétersbourg, et d’autres grandes villes, excitant partout un égal enthousiasme. Le caractère de ce musicien étoit fort original parmi un grand nombre de traits singuliers, je choisis celui-ci. Un marchand de musique chez lequel il avoit cassé, par mégarde, un carreau de vitre, de la valeur de 30 sous, n’ayant pas à lui rendre la moitié du petit écu que lui présentoit Jarnowitz, alloit sortir pour en chercher la monnaie. Ce n’est pas la peine, dit le musicien, je vais compléter la somme, et il cassa un autre carreau.

    Jarnowitz est mort subitement à Saint-Pétersbourg en 1804. Il a composé un petit nombre de concertos de violon et quelques symphonies.

    (Note de l’éditeur.)