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à toutes les répétitions, se mettre en colère contre les acteurs et les musiciens, et leur donner à tous d’excellentes leçons, me faisoit passer toutes mes après-dîners dans une loge ;

    sent que c’est sans ostentation qu’il est équitable ; cependant il disoit que si le Roland de Piccini réussissoit, il le referoit. Ce mot est remarquable, mais il est d’un genre qui ne me plaira jamais ; un langage constamment modeste est de si bon goût !

    (Souvenirs de Félicie.)

    On doit en musique, à Gluck, une invention de génie dont on n’a pas assez profité ; c’est, dans les morceaux pathétiques, de faire exprimer par les accompagnemens ce que l’âme éprouve, lorsque les paroles cherchent à le dissimuler, comme par exemple dans son Iphigénie en Tauride, lorsqu’Oreste, après son parricide, tombe dans un assoupissement d’accablement, et, se réveillant tout à coup, dit : Le calme renaît dans mon âme. Gluck a mis dans l’accompagnement une agitation sourde, une extrême turbulence ; on croit entendre les reproches terribles, et les menaces effrayantes de la conscience et des furies. Aussi, à la première répétition, les musiciens de l’orchestre représentèrent à Gluck qu’un tel accompagnement ne pouvoit convenir à ces paroles : Le calme renaît dans mon âme. « Il ment ! il ment ! s’écria Gluck. Il a tué sa mère !… »

    (Note de l’auteur.)