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voyage, elle avoit beaucoup de grâce, de l’esprit, des talens, et une belle âme, mais dans les idées une singularité que son institutrice n’avoit nullement rectifiée, et qui ôtoit beaucoup de justesse à sa manière de voir et de juger. Très-prévenue contre moi par madame de Barbantane, elle me traitoit avec une extrême sécheresse ; je ne fis rien pour lui ôter ses préventions qui durèrent jusqu’à la révolution ; ses bontés m’ont bien dédommagée depuis de cette injustice.

J’eus l’hiver d’ensuite une grande distraction dans mes études particulières : Gluck vint à Paris pour y faire jouer ses opéras. Les loges du Palais-Royal donnoient dans les appartemens du palais ; en sortant de dîner je n’avois qu’une porte de la salle à manger à ouvrir pour être dans une de nos loges. Cette commodité, mon goût passionné pour la musique, et le plaisir extrême de voir Gluck[1],

  1. Sans voix, sans doigts, Gluck est ravissant lorsqu’il chante ses beaux airs en s’accompagnant du piano. Le génie n’a besoin ni d’agrément ni de fini ; du moins il peut s’en passer. Quand on est profondément touché, que peut-on désirer encore ? Gluck parloit de Piccini avec justice et simplicité. On