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Condé faisoit toujours avec les femmes qui avoient quelque agrément : on prétendoit que c’étoit un système d’ambition. Il disoit qu’une jolie femme est toujours utile à quelque intrigue, et qu’il n’y a qu’une seule manière de s’assurer d’elle. Comme cette manière ne me convint pas, quand j’en connus le dessein, je fis perdre à M. le prince de Condé l’idée qu’elle pourroit réussir. De ce moment, il devint mon ennemi, et l’a toujours été. M. le prince de Condé avoit alors trente-cinq ou trente-six ans ; il étoit borgne[1], mais l’œil dont il ne voyoit pas n’avoit rien alors de défectueux[2]. Sa figure étoit mieux que mal ; il avoit quelque chose de faux dans la physionomie, et cette physionomie peignoit son caractère, qui étoit extrêmement dissimulé. Il avoit montré à la guerre une valeur digne du petit-fils du grand Condé, ce qui lui donnoit une

  1. M. le duc, père de M. le prince de Condé, étoit borgne d’un accident arrivé à la chasse (Voyez, mémoires de Dangeau) et tous ses enfans légitimes et bâtards naquirent borgnes du même œil. Voilà un fait diflicile à expliquer.
    (Note de l’auteur.)
  2. En vieillissant, cet œil est devenu difforme.
    (Note de l’auteur.)