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pouvois m’empêcher de rire et de hausser les épaules. On a beaucoup répété que c’étoit un air de fort mauvais goût, et dont un bon cœur m’auroit préservée. Cette aventure singulière et si vraie dans tous ses détails est une belle leçon pour les jeunes personnes, qui sont, en général, si disposées à croire qu’elles inspirent des passions qui doivent faire le destin de la vie.

À présent je vais reprendre la suite de mon histoire.

Après avoir passé six mois au Palais-Royal, j’avois éprouvé déjà tant de noirceurs et de méchancetés, que je résolus de m’en éloigner pour quelque temps. Madame la duchesse de Chartres avoit pris pour moi, et bien d’elle-même, la plus vive amitié ; elle me faisoit appeler sans cesse quand elle étoit seule dans son appartement : faveur qu’avec ma réserve habituelle je n’aurois jamais sollicitée, et qu’elle n’accordoit à aucune autre. Ma conversation et ma gaieté lui plaisoient, et je trouvois très-attachantes sa bonté, sa candeur et sa sensibilité. On lui dit beaucoup de mal de moi ; elle n’en crut rien : elle vit tant d’animosité contre moi, qu’elle reconnut sans