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saint ; ils contèrent qu’il avoit exactement suivi leurs exercices de piété, et même travaillé avec eux. Ils vantèrent sa douceur, sa simplicité, sa candeur ; au reste il s’étoit conduit fort généreusement avec eux ; outre le paiement de sa nourriture, il leur avoit envoyé par-dessus le marché, une ample provision de soie pour leurs travaux. Je suis persuadée qu’il s’amusa beaucoup dans cet ermitage ; car il y avoit une telle duplicité dans son caractère, que, même sans but et sans intérêt, il se délectoit dans l’hypocrisie. Pour revenir à son histoire, il quitta momentanément l’ermitage ; au bout de huit jours il alla se cacher ailleurs, afin de se promener tous les matins, déguisé en Arménien, au Palais-Royal. C’étoit effectivement lui que j’y avois vu. Il vouloit connoitre l’impression que produisoit sur moi l’idée de sa mort. Il fut indigné de ne me trouver ni maigre, ni changée ; il dit à son frère que cette dureté, jointe à son long séjour dans l’ermitage, l’avoit guéri ; qu’il ne me reverroit jamais sans trouble et sans émotion, qu’il prendroit toujours un vif intérêt à mon sort, mais qu’il renonçoit enfin sans retour à une passion si malheureuse.