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aussi long-temps que cela seroit possible, en disant seulement que le vicomte étoit allé voyager en Suisse. Enfin je repris mes habitudes ordinaires, et j’allai, comme de coutume, me promener tous les matins au Palais-Royal avec mes deux filles que j’avois avec moi, et dont l’ainée avoit six ans. Au bout de quelques jours je remarquai un Arménien ou un Turc, que je jugeai tel à sa robe, à sa longue barbe, et à son turban ; il me suivoit constamment, ayant toujours les yeux fixés sur moi. Je le vis ainsi une quinzaine de jours de suite ; au bout de ce temps il ne reparut plus. Dans les premiers jours d’octobre j’allai à Chantilly, et je n’en revins qu’au milieu du mois de novembre. Le comte de Custines étoit en Lorraine ; le mois suivant je reçus de lui un billet qui étoit à peu près conçu dans ces termes :

« Ne pleurons plus l’amant désesperé, il est ressuscité ; j’irai ce soir conter à ma chère consolatrice (c’est le nom qu’il me donnoit depuis la mort de sa femme) tous les détails de cette merveilleuse aventure. »

Après avoir lu ce billet, mon premier mouvement fut de la joie, et le second une es-