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restai plus d’une heure glacée, pétrifiée, et déplorant avec amertume ce désastreux événement ; enfin j’écrivis au comte de Custines pour lui demander des nouvelles de son frère, qui logeoit toujours chez lui. Au lieu de me répondre, le comte vint sur-le-champ, et lorsqu’il entra dans ma chambre, je vis aussitôt sur son visage la confirmation de cet affreux malheur. Il me dit que son frère étoit parti seul à quatre heures du matin, sans domestique, sans rien emporter, et qu’il lui avoit laissé un billet de deux lignes qu’il me montra, et qui disoit seulement qu’on ne l’attendit plus, et qu’on ne sauroit jamais où il alloit. Le comte de Custines, qui avoit un cœur excellent, étoit dans la plus profonde affliction, et il me répétoit toujours : Voilà où vous l’avez poussé ! J’étois si saisie et si affligée moi-même, que pendant une semaine entière je fus hors d’état de descendre au Palais-Royal. Je fis défendre ma porte, et je ne reçus uniquement que le comte de Custines, qui vint tous les jours. Il prit toutes les informations possibles sans pouvoir découvrir ce qu’étoit devenu son frère. Nous convînmes de ne point conter cette tragique histoire, et de la cacher