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gnation qui me donna tout le sang-froid dont j’avois besoin. J’étois auprès de la cheminée. Je sonnai ; il se releva comme un forcené. Un valet de chambre survint. Je lui dis, avec beaucoup de calme : « Éclairez M. le vicomte de Custines. » Il faisoit nuit ; mais je savois que les lanternes des corridors du Palais-Royal n’étoient pas encore allumées. Il sortit avec des démonstrations de rage qui paroissoient aller jusqu’au désespoir ; et, malgré le courage que je venois de montrer, il me laissa une impression de crainte et d’effroi que je conservai toute la soirée. Le lendemain, en me réveillant, je reçus de lui un billet qui me fit frémir, voici quelle en étoit la date posée au haut de la page :

« Ce 23 août, dernier jour de ma vie. »

Le billet, de quatre lignes, exprimoit le plus horrible désespoir, et la décision formelle de s’ôter la vie. Rien ne peut donner l’idée de l’horreur dont je fus pénétrée, et du remords que j’éprouvai de l’avoir traité avec trop de mépris. Il me sembloit que j’aurois dû, à ses menaces de se tuer, montrer au moins de l’inquiétude et de la compassion. Je