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l’aurois aimé, je n’aurois pas plus souvent pensé à lui, car j’étois toujours occupée, quand je sortois, à examiner tout ce qui m’approchoit, dans l’idée que je le découvrirois sous quelque étrange déguisement. Un soir, chez madame de Custines, pendant que j’accordois ma harpe, il s’approcha de moi, et, entr’ouvrant sa veste, il me fit voir mes deux sous, encadrés dans une jolie monture, et attachés à un cordon de cheveux bruns. Je souris, et je lui demandai de qui étoient les cheveux ? — Je ne pouvois les attacher qu’aux vôtres, répondit-il. — Comment, repris-je, les miens ! — Assurément, et je vous conterai cela à souper.

Il y avoit ce soir-là un grand souper, et il étoit possible de causer à table, sans crainte d’être entendu ; j’y renouvelai tout de suite ma question sur les cheveux. « Eh bien ! répondit-il, je les ai moi-même coupés sur votre tête en vous coiffant. » À ces mots, j’éclatai de rire. « Ce n’est point une plaisanterie, reprit-il, madame Dufour, votre coiffeuse[1],

  1. Dans ce temps, il y avoit des coiffeuses pour les femmes ; on auroit trouvé de l’indécence à se faire coiffer par des hommes. Un an après, le coiffeur Larseneur,