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ports auxquels il se livroit quand je jouois de la harpe et que je chantois ; il s’extasioit surtout en écoutant ce bel air de Castor et Pollux, Tristes apprêts, pâles flambeaux ; et un soir il s’enthousiasma tellement, que tout à coup il eut l’air de se trouver mal et sortit brusquement. Il rentra au bout d’un quart d’heure ; il étoit si pâle, que tout le monde en fut frappé. J’ai toujours été persuadée qu’il avoit un secret pour se faire pâlir à volonté. Ce soir même, il me dit plusieurs mots à la dérobée qui ressembloient beaucoup à une déclaration d’amour ; et le surlendemain, qui étoit un dimanche, jour où M. de Genlis étoit toujours à Versailles, il m’écrivit une lettre passionnée de quatre pages. Cette lettre exprimoit l’amour le plus pur et le plus désintéressé ; il ne vouloit que m’adorer, me consacrer sa vie. Cette lettre étoit spirituelle, mais écrite avec une grande recherche, et le ton général en étoit emphatique. Je n’y répondis point. J’allai souper le soir chez madame de Custines. J’y portai plus de curiosité que d’embarras. Mon cœur n’étoit nullement touché, mais je ne concevois pas que cet homme si moqueur fut si passionné. Il n’y avoit que cinq ou six per-