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loïse, ni même Émile. Là-dessus elle se récria, et répéta, du ton le plus moqueur, que cela étoit surprenant ; il lui échappa d’ajouter que c’étoit une singulière prétention ; ce mot me choqua, parce qu’il signifioit qu’elle croyoit que je mentois. « Non, repris-je, non, madame ; je vois trop souvent des prétentions ridicules, pour en avoir moi-même. Je n’ai point lu ces deux ouvrages, parce que je sais qu’ils ne sont pas faits pour mon âge : quand j’aurai le vôtre, madame, je les lirai, parce qu’ils contiennent, dit-on, d’excellentes choses, et que je pourrai alors en parler sans blesser la bienséance. » Ce petit discours, prononcé sans agitation et sans embarras, et par une personne qu’on avoit vue jusqu’à ce moment si timide, causa un étonnement inexprimable à tout le monde, et de plus, à madame de Blot une violente colère. Ayant toutes les prétentions, elle avoit aussi celle de la jeunesse, et je venois de l’irriter sur tous les points ; elle fut tout-à-fait déconcertée, elle rougit, balbutia, elle dit qu’elle ne savoit pas que je fusse dévote, et que j’eusse un tel rigorisme. Je répondis que je me trouverois aussi honorée d’obtenir le titre mérité de dévote, que je se-