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faut admirer comment, sans lois et sans réglemens, ces choses se sont naturellement établies dans la société. Si l’opinion n’avoit aucun pouvoir, le vice seroit d’une effronterie hideuse, et les gens foibles et timides se laisseroient entraîner beaucoup plus facilement. L’opinion, dans une société bien réglée, a précisément le degré d’influence nécessaire, et son parfait équilibre est le meilleur soutien des bonnes mœurs.

À cette époque, dès les premiers jours de mon entrée au Palais-Royal, je fis les plus tristes réflexions sur ma nouvelle existence, et tout sembla concourir à les aggraver, et à augmenter la mélancolie que j’y avois apportée. Rien ne rend mécontent d’une nouvelle société et d’un nouveau genre de vie, comme une conscience inquiète, qui se reproche quelque chose !… Je voyois pour la première fois des regards malveillans ; j’étois mal à mon aise ; je ne parlois qu’avec défiance et circonspection ; je perdois ainsi l’espèce d’agrément qu’on avoit jusqu’alors tant loué en moi, le naturel et la gaieté. Tous les hommes m’accueilloient à l’envi les uns des autres ; mais leur galanterie est bien loin d’être rassurante,