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pourquoi on a vu des gens flétris par l’opinion, être de fort mauvaise compagnie pendant dix, quinze et vingt ans, et ensuite, par un changement de mœurs, par des événemens heureux, prendre subitement une autre existence, et redevenir de très-bonne compagnie. Un homme flétri par une procédure publique, ou qui a fui devant une armée d’une manière non équivoque, est déshonoré sans retour, parce que le déshonneur ne s’efface point. Il n’y a, dans les accusations du monde, ni témoins légitimes, ni confrontations, ni certitude absolue, et certainement il s’y mêle toujours beaucoup d’inventions calomnieuses. Une femme, pour une seule aventure éclatante, peut être perdue, si on ne peut la nier ; une femme, après mille dérèglemens, peut ne pas l’être, et peut se relever, s’il n’y a sur elle que des oui-dire et que l’opinion. Cela est juste, parce que le principe, que le déshonneur, c’est-à-dire la tache ineffaçable, ne peut exister qu’avec des preuves irrécusables, est de toute équité et de toute utilité. Si l’opinion avoit le pouvoir de déshonorer, la méchanceté n’auroit plus de bornes, la calomnie n’auroit plus de frein. Il