Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T2.djvu/230

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

exigeoit que la médisance fût pour ainsi dire dispersée ; un même personnage qui se seroit chargé constamment de la répandre, eût été odieux. On vouloit surtout de la grâce, de la gaieté ou de l’originalité : la méchanceté noire est toujours triste, elle a quelque chose de vulgaire et de grossier ; elle eût produit d’ailleurs une trop grande disparate avec le langage habituel ; elle étoit de mauvaise compagnie.

Ce qu’on ne pardonnoit jamais, ce que rien ne pouvoit excuser, c’étoit la bassesse ou des manières ou du langage, et celle des actions quand elle étoit bien avérée. On n’avoit plus assez de principes pour être profondément indigné au fond de l’âme d’une bassesse qui auroit valu une grande fortune ou une belle place ; mais on avoit encore plus de vanité que de cupidité, et tant que l’orgueil conserve ce caractère, il peut ressembler à la grandeur. Quand les bassesses utiles étoient faites avec de certaines précautions et de certaines formes, on feignoit facilement, si elles réussissoient, de ne voir en elles qu’une habileté permise ainsi que les voleurs chez les Lacédémoniens, les maladroits seuls étoient pu-