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qui à cette époque s’échappa de France, et vint en Angleterre où j’étois, nous conta ce détail et de la manière la plus touchante. Madame de Grammont, appelée au tribunal, loin de se défendre, ne songea qu’à son amie, qui, présente à cet interrogatoire, les mains jointes et les yeux baissés, gardait un profond silence. Madame de Grammont dit en propres termes : « Que vous me fassiez mourir, moi qui vous méprise et qui vous déteste, moi qui aurois voulu soulever contre vous l’Europe entière, que vous m’envoyiez à l’échafaud, rien n’est plus simple ; mais que vous a fait cet ange (en montrant madame Duchâtelet), qui a toujours tout souffert sans se plaindre, et dont la vie entière n’a été marquée que par des actions de douceur et d’humanité ? » On les envoya toutes les deux au supplice avec M. Duchâtelet !…

Les autres personnes dont j’ai encore à parler étoient le marquis de Durfort, qu’on appeloit le grand Durfort on disoit de lui qu’il étoit aimable à force de droiture et de bonté ; il n’avoit de brillant que la plus belle et la plus noble figure ; il jouissoit d’une grande considération et il la méritoit.