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déjà depuis huit mois au Palais-Royal ; M. de Thiars me montroit une extrême bienveillance, j’obtins facilement une lecture en très-petit comité. Je m’attendois à quelque chose de léger, d’agréable, et j’entendis la plus insipide histoire qu’on ait jamais pris la peine d’écrire. Il prétendoit y avoir mis beaucoup d’allusions malignes ; je n’en saisis aucune, parce que tout étoit commun, trivial, et qu’il n’y avoit dans cet ouvrage, ni peintures, ni trait saillant, ni vérité. À chaque prétention d’allusion, il me regardoit, et voyant à la fin que je n’en comprenois pas une, il prit une humeur visible, malgré les louanges que lui prodiguoient les autres personnes qui entendoient ce petit chef-d’œuvre pour la troisième ou quatrième fois. Je souffrois mortellement, il m’étoit impossible de m’extasier, cependant je m’efforçois de sourire, je répétois de temps en temps : cela est charmant, mais tout cela de mauvaise grâce, au hasard, mal à propos, et j’en suis sûre, avec un air niais et décontenancé, car je voyois clairement qu’on étoit mécontent de moi, et que l’on prenoit une fort mauvaise opinion de mon jugement et de mon esprit ; c’est de ce jour que date mon aversion